Bulletin de Réflexion Notaires : Recruter c’est reconstruire

Bulletin de Réflexion Notaires : Recruter c'est reconstruire

Le recrutement, ce n’est plus comme au siècle dernier. A l’époque, de l’assistante au notaire, on faisait carrière. A l’époque, être clerc de notaire vous conférait un statut enviable.

Et le recrutement aujourd’hui au sein des études notariales ?

Aujourd’hui, il n’y a plus que le Notaire titulaire et (peut-être ?), le notaire salarié, qui bénéficient encore d’un statut auprès du grand public, en raison du fait qu’ils reçoivent les actes et engagent leur responsabilité.


Le paradoxe : l’ouverture de la profession avec le Président Macron a certes bénéficié à la génération millénium des diplômés notaires, mais a raréfié du même coup en quantité comme en qualité, les autres ressources de production, dans un environnement économique où l’emploi était déjà beaucoup plus mobile qu’il y a 20 ans.


Par ailleurs, les tendances sociétales qui fracturent la société (désacralisation des institutions, des notables, intensification du travail, prévalence du court terme,) ont achevé de ternir ces métiers comme bien d’autres métiers d’ailleurs (avocats, médecins, traders…), de sorte que, aujourd’hui, le notaire qui souhaite recruter est confronté à une double difficulté :

Attirer des ressources devenues rares même pour des fonctions qui n’exigent pas des compétences rares ;
Fidéliser les collaborateurs qui sont engagés à ses côtés.

L’économie et la psychologie obéissant aux lois physiques de la nature et au principe de bon sens, il est naturel de vérifier que le tuyau n’est pas percé, avant de le remplir d’eau, traduisons, avant de recruter, pensons à fidéliser. Ayons à l’esprit que le meilleur recrutement, c’est celui que l’on s’évite d’avoir à faire, ou tout du moins, c’est celui qui ne nous est pas imposé.

Les vertus de la fidélisation

Mettons de côté de suite l’objection imparable qui démontre que la fidélité passive de collaborateurs non engagés qui n’ont pas les moyens de vous être infidèles, n’est pas un atout pour vous l’employeur, mais bien une faiblesse. Tout le monde en convient.
Dans cette situation délicate, vous pouvez toutefois espérer car les lois de la nature humaine font que l’individu, même rétif, finit toujours par développer des stratégies d’adaptation à l’injonction à condition que celle-ci soit ferme et continue. Et la stratégie la plus efficace sur la durée, c’est de se conformer au minimum attendu par sa Direction, ses collègues, ses clients.

Fidéliser, c’est avant tout, créer les conditions d’une confiance réciproque, et c’est aussi pouvoir compter sur un petit groupe d’individus qui partagent sinon vos
objectifs, au moins les valeurs que vous portez. Ils répondront présents quand vous aurez besoin d’eux. Ce sont les mêmes qui font “tourner la boutique” jour après jour, même en votre absence et ce, non pas en raison de la crainte ou de la sympathie que vous leur inspirez, mais juste parce qu’ils ont le sentiment d’être à leur bonne place, utiles pour l’Etude, pour les clients et reconnus par tous.

Il n’y a pas de recette pour fidéliser, si ce n’est créer les conditions d’un environnement solidaire, bienveillant et protecteur, au sein duquel chacun pourra se
ressourcer et trouver réconfort dans des moments de fragilité.

La réciprocité de la confiance entraîne la réciprocité de l’engagement

C’est surtout, au quotidien, un environnement dans lequel chacun trouve sa place et peut évoluer, grandir. La réciprocité de la confiance entraîne la réciprocité de l’engagement : en tant qu’individu, quel que soit mon statut (employeur, salarié), je m’engage à participer au développement de l’organisation dont je suis membre, laquelle organisation me permet en retour de grandir en compétences, en responsabilités, en respectabilité.

La posture que l’on vient de décrire est à l’exact opposé de la posture du mercenaire qui se vend au plus offrant sans état d’âme et sans aucun lien d’attachement. La posture de l’engagement s’applique à tous profils d’individus à l’exception de l’individu asocial. Pas nécessaire d’être un “premier de cordée” pour être engagé dans son travail.

Pour s’en convaincre, il n’est qu’à observer le professionnalisme et la méticulosité de votre archiviste qui depuis 20 ans inlassablement déclasse, reclasse, numérise vos minutes, fait le tour des bureaux pour archiver les dossiers. Que dire de la personne à l’accueil qui depuis toujours, filtre tous les appels avec sourire et efficacité, gérant l’impatience des clients, et parfois la mauvaise humeur de son patron et de ses collègues.

Posez-vous la question en vous excluant du jeu. Qui fait réellement tourner l’Etude ? ou plutôt, qui en cas d’absence manquerait cruellement à l’Etude ?
Ceux-là, il est dans votre intérêt ultime de les bichonner, parce qu’en fait, vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais c’est eux qui vous bichonnent.

Si on résume le dilemme : le bon recrutement ne doit pas simplement vous permettre de combler le manque de têtes et de bras, au risque de désorganiser la belle mécanique d’engagement et de production que vous avez patiemment construite avec votre équipe. Le bon recrutement c’est avant tout, celui qui va vous permettre de consolider votre organisation, consolider la solidarité et le partage de vos valeurs.

Quelques principes pour éviter de « trop » se tromper

Règle N°1

Avant de vous lancer dans la surenchère salariale au risque de rompre le pacte d’équité avec l’équipe en place et casser du même coup la confiance de vos collaborateurs, travaillez pour le long terme et récompenser d’abord ceux qui l’ont mérité ; revalorisez leur salaire si celui-ci est sensiblement en dessous des conditions du marché, ou proposez un plan d’intéressement collectif, en surveillant la dynamique collective et en écoutant et répondant attentivement aux aspirations de chacun.

De la sorte, vous vous éviterez la double peine. Recruter un(e) mercenaire qui vous lâchera à la première occasion. Décevoir votre “garde rapprochée” qui vous
quittera elle aussi mais cette fois à raison.

Pour satisfaire aux impératifs de production à court terme, il y a toujours un arbitrage à trouver avec un mix de solutions temporaires (freiner les actions de
développement pour freiner temporairement les entrées de dossiers quand c’est possible, avoir recours temporairement à un prestataire ou à un CDD même s’il vous en coûte…)

Règle N°2

Assurez la promotion interne car il est plus facile de trouver un(e) assistant(e) qu’un(e) clerc confirmé(e), un(e) archiviste qu’un(e) responsable de l’accueil et il est plus valorisant pour les collaborateurs et moins risqué pour vous de promouvoir avec son accord un collaborateur méritant.
Avec ce principe, vous faites un(e) bien heureu(se), vous diminuez votre risque et votre difficulté de recrutement.

Règle N°3

Prenez le temps de bien recruter (Règle n°1), mais ne lésinez pas sur la solution d’attente, car sinon vous épuisez vos collaborateurs et vous risquez des départs en chaîne.

Règle N°4

Anticipez le recrutement en remplacement des départs annoncés, de sorte à pouvoir s’offrir une passation en douceur.

Règle N°5

Appuyez-vous sur les ressources internes, vos associés, vos collaborateurs. L’image de l’Etude véhiculée à l’extérieur passe essentiellement par eux, à l’école ou à la fac pour ceux qui sont encore étudiants ou lors des formations pour les autres.

Si vous avez vous-même l’occasion de faire la promotion de l’Etude parce que vous enseignez par exemple, ne vous en privez pas. Si vous avez un associé ou un salarié qui enseigne, confiez-lui cette tâche. Sachez par ailleurs qu’un recrutement sous forme de parrainage est souvent efficace car il engage le parrain
ou la marraine vis-à-vis de l’Etude, et il engage le candidat vis-à-vis de sa marraine ou de son parrain.

Sachez enfin qu’un regard multiple porté sur le candidat est toujours préférable car il augmente l’objectivité, et il permet à chacun (y compris au candidat) de mieux se projeter. Il est important que le candidat puisse être présenté à ses proches collègues, voire même que l’un de ses proches collègues qui a votre écoute, soit présent lors de l’entretien.

Règle N°6

Soignez votre communication qui se doit, non d’embellir la situation au risque de décevoir le candidat, mais de souligner la réalité de la qualité de vie à l’Etude. Sur votre site internet mettez en avant l’équipe et pas uniquement l’équipe de Direction. Mettez en avant des évènements auxquels vous vous êtes associés avec votre équipe, les photos de la dernière sortie collective…
Soignez également votre réputation sur internet. Les avis google ne servent pas qu’aux futurs clients. Répondez aux avis négatifs avec objectivité et sincérité.

Règle N°7

Si vous êtes le principal intéressé, ne déléguez pas le premier entretien à votre associé, au secrétaire général, ou même au Cabinet de recrutement. Laissez-les vous accompagner dans cet exercice difficile, mais ne laissez à personne d’autres que vous le soin de juger et de présenter l’Etude, l’équipe. On ne sait jamais, vous n’aurez peut-être pas une deuxième fois, l’occasion de faire une bonne première impression.

Règle N°8

Soyez clair dans vos attentes “ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement… (Nicolas BOILEAU)”
Le clerc devra-t-il aussi faire ses formalités préalables ? Ses formalités postérieures ? Aura-t-il un quota d’actes à rédiger par mois ? L’accueil devra-t-elle (il) gérer les copies d’actes ? gérer l’archivage ?
L’humain cherche naturellement à réduire l’incertitude. Si ce n’est pas clair dans votre tête, cela le sera encore moins dans celle de votre candidat.

Répondez à ses interrogations, soyez sincère et positif : l’insincérité finit toujours par être démasquée et pour rompre le pacte de confiance, il n’y a pas mieux.
Enfin, entamer une nouvelle vie professionnelle, intégrer un nouvel environnement de travail est toujours une plongée dans l’inconnu et donc stressant pour le
candidat. Il a besoin d’être rassuré par votre attitude positive.

Règle N°9

Soyez à l’écoute et remerciez, car même si cela ne marche pas cette fois –ci, qui sait , le candidat qui aura retenu une image positive de vous et de votre Etude pourra en parler en bien à un autre candidat, voire lui-même revenir vers vous plus tard dans son parcours professionnel.
Vous aurez ainsi amélioré votre réputation.

Règle N°10

Continuez à éplucher les CV spontanés et à y répondre. Vous engrangez de l’information utile et vous pouvez mesurer l’évolution de votre notoriété.

Règle N°11

Quand le ou la candidat(e) a dit “OUI” le plus dur est devant vous. Être à la hauteur de sa promesse.
Avant son arrivée : Préparer son arrivée, c’est faire la bande annonce à toute l’Etude et plus particulièrement à ses futurs proches collègues. C’est aussi préparer son poste de travail (mot de passe, codes d’accès, messagerie, ligne directe…).

Le jour de son arrivée : un accueil à marquer : Soyez présent pour accueillir votre collaborateur et lui faire faire un tour de l’Etude en lui présentant plus particulièrement son service et ses collègues proches ainsi que les services centraux (Comptabilité, formalités, le responsable RH s’il existe). Présentez-lui
les lieux de vie où sont affichées les principales informations liées à la législation sociale ou à la vie de l’Etude. N’oubliez pas de lui montrer vos archives et
profitez-en pour valoriser à nouveau votre organisation et vos process. Indiquez-lui où consulter vos procédures par exemple et n’omettez pas de lui remettre le kit de survie : une pochette contenant le mot de bienvenue en guise de mini livret d’accueil.

En fin de journée, n’oubliez pas de vous enquérir de sa première journée d’expérience quitte à lui adresser un email si vous êtes à l’extérieur.
Au cours des premières semaines et pendant sa période d’essai, consolidez son intégration.

Faites un point informel au bout d’une semaine. Prévoyez par exemple un déjeuner même rapide. C’est l’occasion de déminer les premiers petits problèmes et c’est surtout l’occasion de répondre aux nombreuses questions après une semaine de découverte.

Règle N°12

Ne loupez pas la fin de la période d’essai. C’est la seule occasion qui vous sera donnée de rompre les fiançailles à bon compte.
Préparez cet entretien de fin de période d’essai, en faisant des points rapides avec votre nouveau collaborateur (apprend-il vite ? Comment réagit-il face
à la difficulté ?), en écoutant ses collègues (est-il apprécié ?), en interrogeant vos associés…

En résumé…

Si malgré toutes ces précautions, vous n’avez pas recruté le “bon oiseau”, arrêtez de vous martyriser, vous n’en n’avez pas le temps.
Le recrutement n’est pas une science exacte, et même les professionnels s’y cassent les dents.

Rassurez-vous : rien n’est jamais totalement négatif.
Vous avez nécessairement eu égard à votre investissement, fait progresser votre situation.
Il est alors temps de reprendre les fondamentaux…
Règle n° 1 …

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